Bonjour
camarades lecteurs ! (aucun rapport avec le communisme, reposez cette
faucille immédiatement). Aujourd’hui, il se passe un truc original sur cet
article. Vous l’avez peut-être déjà remarqué mais le titre du film dont je
vais vous parler aujourd’hui n’est pas indiqué. De même, il n’y a aucune photo.
Aurais-je été pris d’une poussée fulgurante de flemmingite aigue ?
Rassurez-vous,
il n’en est rien. En fait, je voulais me livrer à un petit test avec
vous : exceptionnellement je ne vais pas vous annoncer de quel film il
s’agit, et je vais essayer de vous le faire deviner en vous racontant ce qu’il
s’y passe. Par contre il est important de préciser que je vais spoiler toute
l’intrigue du film sans vraiment me poser de question. Pas d’inquiétude cependant,
si j’écris cette chronique peu de temps après la sortie du film, je la
publierai sans doute plusieurs semaines après sa sortie histoire de laisser le
temps à un maximum de gens de l’avoir vu. Mais sans plus attendre, je me lance
dans mon récit !
De quoi que ça parle-t-il
donc ?
Le
héros de notre histoire est un ancien soldat. Plutôt un vieux guerrier, encore
talentueux et puissant, mais âgé. Cela fait bien longtemps qu’il ne combat
plus, faute d’adversaires et de raisons de lutter. A quoi donc les guerriers
sont-ils bons lorsque leurs guerres sont terminées ? Lui ne cherche pas à
répondre à la question, et se contente de vivre un jour après l’autre, luttant
à grandes rasades d’alcool contre le regret d’une vie trop longue et la maladie
qui le ronge et le tue plus certainement que tous les liquides qu’il peut
ingérer.
Pourtant
il n’est pas seul : il prend encore soin d’un vieil ami à lui, sorte de
figure paternelle sénile et diminuée, ainsi que d’un ami sociopathe préférant
la vie recluse d’un ermite et prenant soin du vieillard lors des absences du
guerrier. Car il faut bien vivre, et notre combattant s’est reconverti en
chauffeur de limousine. Un métier qui ne lui demande que peu d’investissement
intellectuel, et qui lui permet de mettre de côté un peu chaque jour.
Mais
sa vie bien réglée bascule lorsqu’une femme inconnue lui demande son aide. Elle
a besoin de sa protection pour elle et sa fille. Notre guerrier refuse :
ses jours héroïques sont révolus depuis bien longtemps. Mais lorsque la femme
lui promet une grosse somme d’argent, une somme qui pourrait lui permettre
d’enfin partir vivre en mer avec ses deux derniers amis, il finit par accepter.
Il les abandonne un moment pour retourner prévenir le vieillard et le
misanthrope, mais à son retour, la femme est morte et il ne reste aucune trace
de la petite.
Ou
en tout cas c’est ce qu’il croit, car elle réapparait chez lui, probablement
caché dans son coffre pendant tout ce temps. Mais sa présence attire une force
gouvernementale inconnue, qui cherche à la récupérer. Galvanisé par son ami le
vieillard, il refuse de la leur céder et lui, son père de substitution et la
petite fille parviennent à s’enfuir in extremis, non sans qu’il ait eu le temps
de prouver qu’en dépit de son état de santé, il n’en restait pas moins un
adversaire redoutable.
Ils
se savent traqués, et doivent fuir le plus loin possible. La femme voulait que
la petite soit emmenée au Dakota du Nord, alors ils décident d’y aller. Il
paraît que là bas se trouve un sanctuaire pour elle, un nouvel espoir. Le
guerrier n’y croit pas un seul instant, mais quelle autre solution
ont-ils ? A contre cœur, il emmène donc son vieil ami et la petite fille
sur les routes, luttant contre le sommeil à chaque instant.
Il
leur faut tout de même s’arrêter : une nuit de repos leur est vital, et
ils doivent trouver une nouvelle voiture pour remplacer la leur, trop abimée et
trop indiscrète. Ils s’arrêtent dans la première grande ville qu’ils croisent
et se réservent une bonne chambre d’hôtel. Mais leurs poursuivants les
rattrapent et ils doivent à nouveau fuir en catastrophe, sans se retourner,
laissant une trainée de cadavre derrière eux, ultime preuve, s’il en fallait
encore une, que notre héros a encore la rage au corps et au cœur.
Durant
leur voyage, ils viennent en aide à une famille de fermier, qui leur offre
l’hospitalité. Se présentant comme voyageant avec son père et sa fille, le
guerrier essaye de faire bonne figure, de s’accorder un moment de paix, un
moment de relâchement qui pourrait lui permettre de gouter à l’impression
d’avoir une famille, aussi branlante soit-elle. Mais cela ne dure pas, et il
est vite rattrapé non seulement par ses ennemis, mais aussi par sa part
d’ombre. Une fois encore, ils doivent s’enfuir en livrant bataille, mais notre
héros voit mourir sous ses yeux son plus vieil ami et père de substitution.
Maintenant seul avec la petite, ils font leur possible pour échapper à leurs
poursuivants. Heureusement, le revers qu’ils ont subi est d’une incroyable
sévérité.
Le
guerrier n’est cependant pas au mieux de sa forme. Blessé, malade, il est
chaque instant plus faible que jamais. Péniblement, lentement, il parvient à
emmener sa passagère jusqu’au Dakota du Nord. Et contre toute attente, le
sanctuaire auquel il ne croyait pas existe. D’autres enfants fuyant
l’oppression les accueillent, et offrent à l’ancien soldat un lit pour se
reposer et se soigner.
Sa
mission est accomplie, il peut maintenant laisser la petite franchir la
frontière pour échapper à ses poursuivants. Elle lui propose de l’accompagner,
mais il refuse : trop de gens ont souffert, trop de gens auxquels il
tenait sont déjà morts à cause de lui, et il ne veut pas qu’une personne de
plus vienne s’ajouter à la longue liste de ses regrets. Il ne peut que s’en
retourner d’où il est venu, solitaire, et se laisser rattraper par la mort,
qu’il sait proche et inéluctable, dans le lieu qui lui plaira le plus.
Ou
en tout cas c’est ce qu’il croyait pouvoir faire. Le destin est parfois bien
facétieux : alors qu’il voit les enfants partir vers la liberté, il
remarque aussi que l’agence gouvernementale qui est à leur poursuite depuis
plusieurs jours les a retrouvés. Puisant dans ses dernières forces, rassemblant
la colère et la rage qu’il lui reste, il se jette au secours de cette petite
fille qu’il protège et à laquelle il s’est attaché.
Le
combat est rude, âpre, et prélève un lourd tribut chez le vieux guerrier. Aidé
par les enfants, il parvient à triompher de ses ennemis, mais il est trop tard
pour lui. La maladie, le contrecoup de ses dernières forces, ses nombreuses
blessures ont raison de son ardeur, de son courage et de sa combativité. Il
rend son dernier soupir en serrant la main de la petite fille qui lui ressemble
tant qu’elle aurait pu être l’enfant qu’il n’a jamais pu avoir. Il quitte ce
monde comme le combattant qu’il a toujours été, au milieu des cadavres et du
sang versé pour le peu de personne qu’il a tenu dans son cœur. Il sera enterré
au cœur de la forêt, près d’un petit lac, salué uniquement par le clapotis de
l’eau, le chant des oiseaux et une modeste croix de bois.
Mais alors, quoiqu’il faut
retenir de ce flim ?
Je
vais à présent vous dévoiler le titre du film. Il s’agit de Logan, le
dernier film sur le X-man Wolverine sorti au cinéma. Et je vais me baser sur
mon résumé pour affirmer que Logan représente ce que devraient être tous
les films de super héros.
En
effet, si l’on regarde le scénario du film, il pourrait parfaitement
s’appliquer à un autre contexte que des super héros. En fait ça ressemble au
scénario d’un film un peu noir sur un vieux briscard se retrouvant à repartir
malgré lui pour une dernière mission dont il n’est pas sur de revenir. Et c’est
exactement ce qui fait toute sa force ! Car Logan n’est pas un film
de super héros, mais un film avec
des super héros.
Et
cela fait toute la nuance : le super héros n’est plus le centre du film,
ses exploits ne sont pas le cœur du récit. Ce qui devient le cœur de
l’histoire, c’est sa psyché, ses problèmes, ses combats intérieurs, bien plus
que ses combats extérieurs. Cela fait toute la différence avec un film comme Docteur
Strange qui est cousu de fil blanc et qui nous montre quelque chose tellement
teinté d’exploits étranges et ineffables qu’on perd de vue l’humain qui se
cache sous le costume.
Car
ce qui donne toute leur puissance, toute leur portée dramatique aux super
héros, c’est précisément leur condition humaine derrière leurs super pouvoirs.
Oui ils peuvent réaliser des choses qui dépassent l’imagination, mais leurs
problèmes en sont d’autant plus grands. Être tiraillé en permanence entre des
forces qui les dépassent et contre lesquelles ils ne peuvent rien, en dépit de
leur puissance, voilà ce qui leur donne leur côté tragique au sens littéraire
du terme. Voilà ce qui les rend proches de nous.
Le film regorge d'ailleurs d'éléments destinés à ancrer les personnages dans notre réalité : l’utilisation des comics X-men dans
l’univers du film, montrés comme des versions romancées de la vérité ; le
passage par des villes comme Las Vegas ; le contact avec une famille
américaine simple, modèle auquel ils ne peuvent simplement pas aspirer à cause
de leur condition. C’est souvent ce qui donne leur sel aux meilleurs
super-héros d’ailleurs. Je parle en permanence de Spider Man, mais faut dire
que c’est un exemple criant : le personnage est plus fort, plus rapide,
plus intelligent que la très grande majorité de l’humanité, mais c’est à cause
de cela qu’il ne peut pas vivre avec la femme qu’il aime, qu’il ne peut pas
garder un emploi stable, qu’il ne peut être toujours là pour sa famille, ses
amis.
Mais
je m’égare. Pour revenir au film en lui-même, je me dois d’être tout de même
parfaitement honnête : on n’est pas sur un film absolument génial. On
reste dans le film d’action. Mais c’est un film d’action vraisemblable, parfois
touchant, et dont la portée dramatique est magnifiée par le fait que le
personnage principal, ce guerrier solitaire, soit campé par le personnage de
Wolverine, au lourd passé aussi bien historique que cinématographique. Je ne
saurais que vous conseiller d’aller le voir, je pense que c’est l’un des meilleurs
films de super héros jamais sorti. Précisément parce que ce n’est pas un film
de super héros, mais un film avec des super héros. On est très loin de
l’habituelle surenchère dans laquelle donnent Marvel et DC, et c’est d’un
rafraichissant bienvenue !