mardi 28 mars 2017

Film mystère



                Bonjour camarades lecteurs ! (aucun rapport avec le communisme, reposez cette faucille immédiatement). Aujourd’hui, il se passe un truc original sur cet article. Vous l’avez peut-être déjà remarqué mais le titre du film dont je vais vous parler aujourd’hui n’est pas indiqué. De même, il n’y a aucune photo. Aurais-je été pris d’une poussée fulgurante de flemmingite aigue ?
                Rassurez-vous, il n’en est rien. En fait, je voulais me livrer à un petit test avec vous : exceptionnellement je ne vais pas vous annoncer de quel film il s’agit, et je vais essayer de vous le faire deviner en vous racontant ce qu’il s’y passe. Par contre il est important de préciser que je vais spoiler toute l’intrigue du film sans vraiment me poser de question. Pas d’inquiétude cependant, si j’écris cette chronique peu de temps après la sortie du film, je la publierai sans doute plusieurs semaines après sa sortie histoire de laisser le temps à un maximum de gens de l’avoir vu. Mais sans plus attendre, je me lance dans mon récit !


De quoi que ça parle-t-il donc ?
                Le héros de notre histoire est un ancien soldat. Plutôt un vieux guerrier, encore talentueux et puissant, mais âgé. Cela fait bien longtemps qu’il ne combat plus, faute d’adversaires et de raisons de lutter. A quoi donc les guerriers sont-ils bons lorsque leurs guerres sont terminées ? Lui ne cherche pas à répondre à la question, et se contente de vivre un jour après l’autre, luttant à grandes rasades d’alcool contre le regret d’une vie trop longue et la maladie qui le ronge et le tue plus certainement que tous les liquides qu’il peut ingérer.
                Pourtant il n’est pas seul : il prend encore soin d’un vieil ami à lui, sorte de figure paternelle sénile et diminuée, ainsi que d’un ami sociopathe préférant la vie recluse d’un ermite et prenant soin du vieillard lors des absences du guerrier. Car il faut bien vivre, et notre combattant s’est reconverti en chauffeur de limousine. Un métier qui ne lui demande que peu d’investissement intellectuel, et qui lui permet de mettre de côté un peu chaque jour.
                Mais sa vie bien réglée bascule lorsqu’une femme inconnue lui demande son aide. Elle a besoin de sa protection pour elle et sa fille. Notre guerrier refuse : ses jours héroïques sont révolus depuis bien longtemps. Mais lorsque la femme lui promet une grosse somme d’argent, une somme qui pourrait lui permettre d’enfin partir vivre en mer avec ses deux derniers amis, il finit par accepter. Il les abandonne un moment pour retourner prévenir le vieillard et le misanthrope, mais à son retour, la femme est morte et il ne reste aucune trace de la petite.
                Ou en tout cas c’est ce qu’il croit, car elle réapparait chez lui, probablement caché dans son coffre pendant tout ce temps. Mais sa présence attire une force gouvernementale inconnue, qui cherche à la récupérer. Galvanisé par son ami le vieillard, il refuse de la leur céder et lui, son père de substitution et la petite fille parviennent à s’enfuir in extremis, non sans qu’il ait eu le temps de prouver qu’en dépit de son état de santé, il n’en restait pas moins un adversaire redoutable.
                Ils se savent traqués, et doivent fuir le plus loin possible. La femme voulait que la petite soit emmenée au Dakota du Nord, alors ils décident d’y aller. Il paraît que là bas se trouve un sanctuaire pour elle, un nouvel espoir. Le guerrier n’y croit pas un seul instant, mais quelle autre solution ont-ils ? A contre cœur, il emmène donc son vieil ami et la petite fille sur les routes, luttant contre le sommeil à chaque instant.
                Il leur faut tout de même s’arrêter : une nuit de repos leur est vital, et ils doivent trouver une nouvelle voiture pour remplacer la leur, trop abimée et trop indiscrète. Ils s’arrêtent dans la première grande ville qu’ils croisent et se réservent une bonne chambre d’hôtel. Mais leurs poursuivants les rattrapent et ils doivent à nouveau fuir en catastrophe, sans se retourner, laissant une trainée de cadavre derrière eux, ultime preuve, s’il en fallait encore une, que notre héros a encore la rage au corps et au cœur.
                Durant leur voyage, ils viennent en aide à une famille de fermier, qui leur offre l’hospitalité. Se présentant comme voyageant avec son père et sa fille, le guerrier essaye de faire bonne figure, de s’accorder un moment de paix, un moment de relâchement qui pourrait lui permettre de gouter à l’impression d’avoir une famille, aussi branlante soit-elle. Mais cela ne dure pas, et il est vite rattrapé non seulement par ses ennemis, mais aussi par sa part d’ombre. Une fois encore, ils doivent s’enfuir en livrant bataille, mais notre héros voit mourir sous ses yeux son plus vieil ami et père de substitution. Maintenant seul avec la petite, ils font leur possible pour échapper à leurs poursuivants. Heureusement, le revers qu’ils ont subi est d’une incroyable sévérité.
                Le guerrier n’est cependant pas au mieux de sa forme. Blessé, malade, il est chaque instant plus faible que jamais. Péniblement, lentement, il parvient à emmener sa passagère jusqu’au Dakota du Nord. Et contre toute attente, le sanctuaire auquel il ne croyait pas existe. D’autres enfants fuyant l’oppression les accueillent, et offrent à l’ancien soldat un lit pour se reposer et se soigner.
                Sa mission est accomplie, il peut maintenant laisser la petite franchir la frontière pour échapper à ses poursuivants. Elle lui propose de l’accompagner, mais il refuse : trop de gens ont souffert, trop de gens auxquels il tenait sont déjà morts à cause de lui, et il ne veut pas qu’une personne de plus vienne s’ajouter à la longue liste de ses regrets. Il ne peut que s’en retourner d’où il est venu, solitaire, et se laisser rattraper par la mort, qu’il sait proche et inéluctable, dans le lieu qui lui plaira le plus.
                Ou en tout cas c’est ce qu’il croyait pouvoir faire. Le destin est parfois bien facétieux : alors qu’il voit les enfants partir vers la liberté, il remarque aussi que l’agence gouvernementale qui est à leur poursuite depuis plusieurs jours les a retrouvés. Puisant dans ses dernières forces, rassemblant la colère et la rage qu’il lui reste, il se jette au secours de cette petite fille qu’il protège et à laquelle il s’est attaché.
                Le combat est rude, âpre, et prélève un lourd tribut chez le vieux guerrier. Aidé par les enfants, il parvient à triompher de ses ennemis, mais il est trop tard pour lui. La maladie, le contrecoup de ses dernières forces, ses nombreuses blessures ont raison de son ardeur, de son courage et de sa combativité. Il rend son dernier soupir en serrant la main de la petite fille qui lui ressemble tant qu’elle aurait pu être l’enfant qu’il n’a jamais pu avoir. Il quitte ce monde comme le combattant qu’il a toujours été, au milieu des cadavres et du sang versé pour le peu de personne qu’il a tenu dans son cœur. Il sera enterré au cœur de la forêt, près d’un petit lac, salué uniquement par le clapotis de l’eau, le chant des oiseaux et une modeste croix de bois.



Mais alors, quoiqu’il faut retenir de ce flim ?
                Je vais à présent vous dévoiler le titre du film. Il s’agit de Logan, le dernier film sur le X-man Wolverine sorti au cinéma. Et je vais me baser sur mon résumé pour affirmer que Logan représente ce que devraient être tous les films de super héros.
                En effet, si l’on regarde le scénario du film, il pourrait parfaitement s’appliquer à un autre contexte que des super héros. En fait ça ressemble au scénario d’un film un peu noir sur un vieux briscard se retrouvant à repartir malgré lui pour une dernière mission dont il n’est pas sur de revenir. Et c’est exactement ce qui fait toute sa force ! Car Logan n’est pas un film de super héros, mais un film avec des super héros.
                Et cela fait toute la nuance : le super héros n’est plus le centre du film, ses exploits ne sont pas le cœur du récit. Ce qui devient le cœur de l’histoire, c’est sa psyché, ses problèmes, ses combats intérieurs, bien plus que ses combats extérieurs. Cela fait toute la différence avec un film comme Docteur Strange qui est cousu de fil blanc et qui nous montre quelque chose tellement teinté d’exploits étranges et ineffables qu’on perd de vue l’humain qui se cache sous le costume.
                Car ce qui donne toute leur puissance, toute leur portée dramatique aux super héros, c’est précisément leur condition humaine derrière leurs super pouvoirs. Oui ils peuvent réaliser des choses qui dépassent l’imagination, mais leurs problèmes en sont d’autant plus grands. Être tiraillé en permanence entre des forces qui les dépassent et contre lesquelles ils ne peuvent rien, en dépit de leur puissance, voilà ce qui leur donne leur côté tragique au sens littéraire du terme. Voilà ce qui les rend proches de nous.
                Le film regorge d'ailleurs d'éléments destinés à ancrer les personnages dans notre réalité : l’utilisation des comics X-men dans l’univers du film, montrés comme des versions romancées de la vérité ; le passage par des villes comme Las Vegas ; le contact avec une famille américaine simple, modèle auquel ils ne peuvent simplement pas aspirer à cause de leur condition. C’est souvent ce qui donne leur sel aux meilleurs super-héros d’ailleurs. Je parle en permanence de Spider Man, mais faut dire que c’est un exemple criant : le personnage est plus fort, plus rapide, plus intelligent que la très grande majorité de l’humanité, mais c’est à cause de cela qu’il ne peut pas vivre avec la femme qu’il aime, qu’il ne peut pas garder un emploi stable, qu’il ne peut être toujours là pour sa famille, ses amis.
                Mais je m’égare. Pour revenir au film en lui-même, je me dois d’être tout de même parfaitement honnête : on n’est pas sur un film absolument génial. On reste dans le film d’action. Mais c’est un film d’action vraisemblable, parfois touchant, et dont la portée dramatique est magnifiée par le fait que le personnage principal, ce guerrier solitaire, soit campé par le personnage de Wolverine, au lourd passé aussi bien historique que cinématographique. Je ne saurais que vous conseiller d’aller le voir, je pense que c’est l’un des meilleurs films de super héros jamais sorti. Précisément parce que ce n’est pas un film de super héros, mais un film avec des super héros. On est très loin de l’habituelle surenchère dans laquelle donnent Marvel et DC, et c’est d’un rafraichissant bienvenue !

mercredi 15 mars 2017

Chez Nous



                Bonjour à tous (si tant est que vous soyez plus que un) ! En ce moment, je suis en permanence confronté à la situation suivante : je peux aller voir soit Moonlight, qui a reçu l’oscar du meilleur film cette année, ou un autre truc, parfois un peu cheulou. Et pour une raison qui m’échappe, je me retrouve toujours à ne pas pouvoir aller voir Moonlight. Mais j’ai confiance, j’y arriverai un jour, j’y arriverai !
                Vous vous doutez bien que si je vous raconte ça, c’est parce que je n’ai une fois de plus pas pu aller voir le fameux Moonlight. Et si vous êtes un minimum curieux – ou si vous avez vraiment du temps à perdre –, vous vous demandez ce que je suis allé voir. Et bien la réponse se trouve… dans le titre en fait. Je suis allé voir Chez Nous, réalisé par Lucas Belvaux, avec Emilie Dequenne, André Dussolier et Guillaume Gouix. Accrochez-vous un peu, car le sujet est pas jouasse. 


De quoi que ça parle-t-il donc ?
                 Nous suivons dans ce film l’histoire de Pauline, une infirmière mère célibataire de deux enfants, dans une petite ville du Nord Pas de Calais – car je refuse d’appeler ma chère région natale « Hauts de France » - située entre Lens et Lille. Elle vit une vie assez simple, s’occupe de ses enfants, de son père, de ses patients.
                Jusqu’au jour où le médecin local lui propose de rejoindre un parti politique pour être candidat à la mairie. Le parti en question est un parti assez nouveau qui se revendique populaire, voulant détrôner les élites du gouvernement en place depuis des années, corrompues et ne travaillant que pour leur propre bénéfice. Le parti propose ainsi de rendre le pouvoir au peuple français, et se nomme le RNP, pour Rassemblement National Populaire. Et retenez bien ce nom, car je vais totalement arrêter de l’utiliser durant le reste de la chronique pour lui donner son vrai nom : FN pour Front National.
Non non, ce n'est pas l'affiche de The Voice.
                Car ne nous leurrons pas, ici, on veut nous parler de la montée du FN dans les régions assez défavorisée de France. Mais, histoire de ne pas se faire accuser de calomnies ou autres, le réalisateur a décidé de renommer le parti et toutes ses têtes. Nous avons donc une contrefaçon belge du FN, une contrefaçon belge de Marine Lepen en la personne d’Agnès Dorgelle, et même une contrefaçon belge de Florian Philippot avec un type… dont on ne connait jamais le nom.
                Mais passons là-dessus et revenons au film. Après pas mal de réflexions – car le FN a quand même une belle réputation de partie nationalo-raciste – elle finit par accepter de rejoindre la liste du parti. Elle va au contact des gens, et se rend compte que beaucoup de personnes voient d’un bon œil la montée de ce parti qui n’a jamais eu le pouvoir. Un vent de nouveauté en gros.
                Mais ça se gâte très vite : notre chère Pauline est depuis peu en couple avec Stéphane Stankowiak, dit Stanko. Et le problème, c’est que ce mec là, c’est un vieux de la vieille du parti. Comprenez par là que c’est un gars qui y était déjà lorsque le parti était une enclave néo nazie avérée, et qu’il a probablement participé à toutes les ratonnades de l’époque. Et encore maintenant, il s’y livre un coup de temps en temps sur les migrants, et il possède une petite bande de pote tout à fait avenante et accueillante, vous souhaitant la bienvenue à coups de matraque ou de flash ball.
                Et cela pose de gros problèmes au FN : leur tête de liste qui sort avec un néo nazi, ça la fout mal. Surtout que ce néo nazi est passablement incontrôlable, et n’hésite pas à envoyer ses gorilles pour protéger sa copine. Ce qui aboutit au passage à tabac de quatre jeunes dont le seul crime et d’avoir tagué la voiture de Pauline.
                Mais Pauline, qu’en pense-t-elle ? Et bien au début elle est toute contente, elle a l’impression qu’elle va changer les choses. Sauf que de prise de conscience en discussion avec ses proches, elle se rend compte… qu’on la prend pour une conne. En effet, elle est tête de liste d’un parti sans avoir pu même jeter le moindre regard au programme. Elle est suivie en permanence par le « service de protection » du parti – comprendre que c’est comme une milice, mais les gorilles sont en costard, c’est plus classe – et on ne lui laisse le choix sur pratiquement rien. Cerise sur le clafoutis, elle se retrouve incapable de voir son amoureux.
                Elle finit par renoncer à l’élection, non sans apprendre au passage le passé trouble de son amoureux. Dégoutée, elle décide cependant de faire confiance à Stanko qui lui promet que tout cela est derrière lui, et elle se retire de l’élection Mais ne vous inquiétez pas, elle est promptement remplacée par une amie à elle et fervente militante pour le FN – comprenez par là que son fils alimente un blog de désinformation islamophobe dans lequel il parle de grand remplacement et des maladies nouvelles que les migrants ramènent, mais que elle, elle trouve ça trop cool. 


Mais alors, quoiqu’il faut retenir de ce flim ?
                Alors, par où commencer… Je vais débuter par les bons points du film avant de parler de ce qui me dérange foncièrement dans ce qui est raconté. De façon générale, la forme est excellente mais le fond pèche sur certains points. Mais je vais vous expliquer ça.
Ils sont pas vachement bien fais, sans déconner?
                Sur la forme, je dois reconnaître que le film est tout de même de bonne qualité. Il n’y a pas trop de longueur, il se dégage une ambiance assez agréable – en comparaison avec d’autres films traitant de sujet politiques, comme par exemple Welcome, film sur les migrants à Calais, sorti en 2009, qui était lourd et déprimant de bout en bout – qui permet de profiter agréablement de sa séance de cinéma. Les acteurs sont très justes, et le visage angélique d’Emilie Dequenne rend le personnage de Pauline immédiatement attachant et criant de vérité. Son humanité et sa volonté de bien faire irradient de l’écran et nous rendent la foi en l’Homme que nous pourrions avoir perdu. André Dussolier joue aussi très bien le médecin à la façade débonnaire mais au cœur ambitieux et rongé par l’appât du pouvoir. Seul petit bémol, je trouve Guillaume Gouix un peu un dessous du reste, avec un jeu assez lisse et manquant de colère, de rage, alors que c’est exactement ce qui définit le personnage. Mais c’est de l’ordre du détail, sa performance est plus que bonne.
                Là où ça se gâte un peu, c’est lorsqu’on s’approche du fond. Personnellement, je voulais aller voir ce film car la promo a été faite autour de lui en se basant sur le fait qu’il cherchait à expliquer la montée du FN dans les milieux populaires. Je m’attendais à une vraie réflexion sur la situation précaire des régions défavorisées, la montée du chômage, la raison des montées nationalistes, leur origine. Et malheureusement seule la première moitié du film est comme ça.
                En effet, le début est très bien orchestré puisqu’on suit la réflexion de Pauline en même temps qu’elle se forme, lorsqu’elle voit ces hommes et ces femmes en pleine difficultés. Accablée par tout cela, elle se laisse séduire par les propos du médecin militant FN, ou même de Marine Lepen, qui lui promettent tous deux de changer les choses véritablement. Avec comme point d’orge le meeting auquel elle assiste, qui est d’ailleurs un moment qui m’a été assez difficile à regarder – je suis profondément allergique à tous discours identitaire, leur logique m’échappe totalement.
                Et une fois que c’est passé, on tombe dans les travers habituels et les scénarios à base de néo nazi et de passé trouble. Et c’est exactement ça qui rend le film totalement inutile : il ne fera jamais changer personne d’avis. Il est beaucoup trop invraisemblable. Imaginez-vous : ils vont tellement loin dans leur délire de milice néo nazi que même moi, fervent opposant au FN et toutes ses ramifications, je n’y ai pas cru une seule seconde. Alors oui, j’ai conscience que les milices néo nazi font parti des supporters du FN. Mais ce ne sont pas les seuls, il y a aussi des citoyens comme les autres, simplement fatigués de notre gouvernement, déçus par les promesses qu’on leur a vendu sans jamais les voir se réaliser. Et ces personnes là ne peuvent pas se reconnaître dans ce que raconte le long métrage.
Je vous jure que cette scène, pendant le film,
c'est le malaise incarné....
                Pire encore, le film utilise pour dénoncer le FN exactement les mêmes ficelles utilisées par ce parti pour parler de l’islam. Ficelles qui lui sont en plus reprochées dans le film en plus. On en arrive à un point qu’un certain nombre de critiques effectuées à l’encontre du FN peuvent être faites au film quasi à l’identique. Par exemple : il est reproché au FN de parler des musulmans uniquement en parlant de djihadiste, d’islamistes, de terroristes, c’est à une dire une minorité. Mais le film lui-même parle du FN uniquement à travers les néo nazi ou anciens néo nazis, qui ne forment plus une majorité des militants. Le film reproche au FN d’être exactement comme le gouvernement, des gens issus de leur tour d’ivoire parisienne qui prétendent imposer leur vision aux ruraux. Mais le film est-il lui-même si différent que ça ? Car ses acteurs, son réalisateur ne sont-ils pas eux-mêmes des parisiens à la notoriété suffisamment grande pour ne pas comprendre les gens qu’ils filment ?
                Bref, le film perd énormément de son message à cause de certains de ses choix, ce qui est dommage en ces temps d’élections. Pour autant, je ne pense pas qu’il ait voulu surfer sur cette mode pour faire du chiffre, j’ai plus l’impression que le réalisateur a vraiment voulu nous proposer une vraie réflexion mais qu’il s’est perdu en chemin dans sa vision du FN, sans doute un peu obsolète. Dommage, car son film perd une grande partie de l’intérêt qu’il pourrait avoir. Mais si le sujet vous intéresse, je pense que des livres comme La France sous marine ou même la bande dessinée La Présidente sont autrement plus intéressants et mettent bien plus en valeurs les dangers du FN.

mercredi 8 mars 2017

La Part des Anges



                Une nouvelle journée commence aujourd’hui, et je me retrouve confronté à un grave dilemme. Résumons la situation : l’actualité est somme toute assez désolante, voire carrément inquiétante sur certains aspects. Mais en même temps, je ne peux pas passer mon temps à me lamenter sur ce que pourraient être nos vies. Donc je décide de faire des trucs, notamment écrire une nouvelle chronique (parce que le rythme a vachement diminué quand même…). Du coup, je me plonge dans l’actualité cinématographique, qui est plutôt chargée en ce moment, avec une liste de films que j’aimerais voir longue comme le bras d’un joueur de basket, et un besoin en sommeil beaucoup trop élevé pour me permettre de mener à bien le projet totalement surréaliste d’être parfaitement à jour sur l’actu ciné.
Non non, ce n'est pas une partouze
                Pire encore, les quelques uns que j’ai pu voir ne m’inspirent absolument rien d’intéressant à raconter. A titre d’exemple, je suis allé voir Seuls et Split récemment, et honnêtement, je n’ai pas grand-chose à en dire à part le fait que les deux titres mis ensemble font une allitération un peu sommaire mais sympa. Pour l’anecdote, Seuls est cool, pas trop mal foutu, mais le twist de fin est pas hyper original – même si très inattendu. Split de son côté est super bien réalisé, haletant et rythmé, mais je trouve qu’il ressemble à n’importe quel film avec un psychopathe dedans.
                Du coup, j’ai décidé de vous parler d’un film sur lequel j’ai envie d’écrire depuis un moment. En effet, il y a quelques temps déjà, j’avais écris une chronique sur Moi, Daniel Blake, réalisé par Ken Loach. Aussi déprimant que soit le film, je l’avais quand même trouvé particulièrement intéressant, aussi ai-je décidé de m’intéresser à ce que faisait le bonhomme. Je me suis donc procuré une partie de sa filmographie, et j’en ai regardé quelques uns. J’ai commencé par La Part des Anges, film sorti en 2012, dont nous allons parler aujourd’hui. Je vous annonce tout de même que ça va spoiler sans vergogne, parce que ce que j’ai envie de dire concerne la conclusion du film. Donc si vous ne voulez pas vous gâcher la surprise, regardez-le avant de lire la chronique.


De quoi que ça parle-t-il donc ?
                 L’histoire se passe à Glasgow et nous parle de Robbie, un jeune délinquant qui écope d’une peine de travaux d’intérêts généraux pour des actes de violence sous l’influence de l’alcool. Ce n’est pas la première fois qu’il est confronté à la justice puisqu’il a déjà purgé une peine de prison. Sauf qu’il apprend par la même occasion qu’il va être papa, et décide donc de rentrer dans le droit chemin. Il participe aux travaux d’intérêts généraux et tente de se racheter une conduite.
                Mais son passé de délinquant lui colle à la peau : alors même qu’il se hâte vers l’hôpital où sa copine est en train d’accoucher, il se fait cueillir et rosser par les oncles de cette dernière qui lui interdisent d’aller la voir, ou même d’approcher de l’enfant. Perdu et désemparé, la seule personne à lui venir en aide est son éducateur, Henri. Il décide de prendre Robbie sous son aile, ainsi que trois autres délinquants : Rhino, un type au demeurant fort sympathique dont je n’ai pas retenu grand-chose de plus que ça – honte sur moi, il avait peut-être une vie tragique et digne des plus belles chansons –, Albert, un jeune alcoolique totalement paumé mais surtout particulièrement con et Mo, la cadette du groupe, grande kleptomane devant l’éternel.
Mission Impossible, c'est des p'tits joueurs à coté
de ces types là!



                Et cette fine équipe – hem –, il va les initier aux plaisirs et subtilités du whisky, un art séculaire en Ecosse, et sans doute une très mauvaise idée si l’on prend en compte le rapport à l’alcool d’Albert. Sauf qu’il s’avère que Robbie est particulièrement talentueux dans ce domaine. Il perçoit les nuances et les variations dans les liquides ambrés à la perfection, et se découvre très vite capable de reconnaître les plus fameux grands crus. Va-t-il pouvoir exploiter ce don ?
                Cela s’annonce difficile : son passé de délinquant l’empêche de trouver un travail stable qui lui permettrait de faire vivre sa copine et son fils. Pire encore, l’un des hommes avec qui il a eu des… « divergences » qui lui ont valu de finir en prison lance à sa poursuite toutes les petites frappes sous sa coupe. Robbie se retrouve suivi, menacé, cogné. Pour couronner le tout, les oncles de sa copine veulent tellement le voir disparaître de la vie de leur petit neveu qu’ils sont prêts à le payer pour qu’il refasse sa vie… le plus loin possible de Glasgow. Grosse ambiance quoi.
                Mais notre héros ne se laisse pas abattre ! En effet, il a vent de la mise en vente prochaine, dans une distillerie des Highlands, d’un whisky exceptionnel : une cuvée inconnue retrouvée dans les décombres d’une très ancienne distillerie. C’est peut être le meilleur whisky au monde, et le tonneau sera vendu aux enchères. Une idée lui vient.
                Il met sur place avec son commando de bras cassés – ouais parce que faut les voir, Rhino, Albert et Mo, le moins qu’on puisse dire, c’est qu’ils ont pas inventé l’eau tiède – un plan pour s’emparer d’une partie du contenu de ce tonneau. Un plan simple mais beau, se basant sur l’expression populaire en distillerie : la part des anges, cette partie du volume d’un alcool qui s’évapore lors de son vieillissement en fût. Puisque c’est un phénomène naturel, qui ira questionner la disparition d’une portion de l’alcool présent dans le fût de ce somptueux grand cru ? Leur stratégie est alors évidente : se rendre dans la distillerie où le tonneau sera mis aux enchères, s’arranger pour s’y faire enfermer, prélever le volume calculé, puis s’enfuir discrètement.
                Nous suivons donc le périple de notre quatuor de fortune, et conformément à nos attentes, ils parviennent à récupérer le précieux liquide. Mieux encore, ils retrouvent l’intermédiaire d’un riche inconnu amateur de whisky, et ils parviennent à lui vendre une bouteille pour une somme rondelette – mais genre bien rondelette, style bonhomme Michelin – mais aussi en échange d’un emploi pour Robbie dans une distillerie loin de Glasgow. Tout est bien qui finit bien pour notre délinquant, qui peut enfin quitter la ville avec sa femme et son fils et reprendre une vie normale, à l’abri de son passé trouble.


Mais alors, quoiqu’il faut retenir de ce flim ?
                Bon, vous noterez que je suis allé assez vite sur l’histoire, tout simplement parce qu’elle est assez simple. Tout l’intérêt des films de Ken Loach réside justement dans ces histoires simples, pas forcément remplies de divertissement, mais pleines de scènes vivantes et réalistes qui nous rendent les personnages attachants au possible.
                En fait, tout le problème avec Ken Loach, c’est qu’il est assez difficile de rendre hommage à ses films en en parlant. Les histoires sont souvent simples, et comme il veut dépeindre des scènes quotidiennes, proches de nous, forcément, sur le papier, ça ne fait pas rêver. Exit – ou plutôt Brexit – les figures de style, les rebondissements, les grandes destinées. Ce n’est pas ça qu’il veut nous montrer. Son truc, c’est le réel, celui qui est froid, parfois banal, souvent attendu, mais toujours touchant, toujours vibrant. Regarder un film de Ken Loach, c’est comme se plonger dans la vie de notre voisin. Certes il ne s’y passe rien de trépidant, mais c’est un univers connu, des valeurs et des repères que nous connaissons, des problèmes que nous pourrions rencontrer et qui nous prennent aux tripes.
                Bref, je vais cesser de me répandre en éloges, exagérations, palabres et hyperboles pour vous donner cet unique et précieux conseil : regardez un film de Ken Loach. Prenez n’importe lequel, et plongez vous dans son univers à la fois commun et captivant.
                Mais entrons dans le vif du sujet, et parlons de la fin du film. Plus exactement, parlons d’Happy End. Je pense que je ne vais rien apprendre à personne en affirmant qu’une Happy End, c’est globalement une fin heureuse. En fait on peut même aller un peu plus loin : de façon générale, une Happy End peut se définir comme une fin de film pendant laquelle un personnage bon et vertueux l’emporte sur les épreuves qui lui ont été imposées, souvent par des personnages immoraux.
Promis m'sieur l'agent, on est des vrai écossais!
                Ce qui a d’intéressant avec le Happy End, c’est que souvent ils sont assez mal vus dans le cinéma mainstream car considérés comme un peu clichés, ou trop peu inattendus. Parfois on leur reproche même de défendre une morale aseptisée très éloignée de la réalité – genre « les gentils gagnent toujours ». Alors qu’en fait c’est assez faux : un film dans lequel un héros vertueux gagne à la fin contre les méchants corrompus (comme dans un Marvel par exemple) défend la même morale qu’un autre film dans lequel le héros corrompu meurt tué par la justice (comme dans Scarface par exemple). Pourtant seul le premier sera vécu comme un Happy End.
                Bref, après ce petit moment de philosophie pour débile profond, revenons à notre sujet : la fin de La part des anges me laisse perplexe. En effet, de prime abord, le film se termine bien : Robbie parvient à échapper à son passé de délinquant. Sauf que la méthode utilisée est pour le moins… discutable. Car si on regarde de plus près, c’est en poursuivant ses activités criminelles qu’il a pu s’en sortir. Donc finalement, la thèse du film, c’est que le seul moyen pour les criminels de s’en sortir… c’est de continuer à être des criminels en fait… Peut-on vraiment estimer que c’est un Happy End dans ces conditions ? Un vrai Happy End aurait été que Robbie trouve un travail et parvienne à se sortir de la fange tout en restant dans le droit chemin.
                Ce que je trouve d’autant plus étrange dans cette fin, c’est que contrairement à Moi, Daniel Blake, qui dénonçait la société qui n’aide en rien les chômeurs à sortir du chômage, ici je n’ai pas l’impression qu’il dénonce quoique ce soit : finalement ce qui fait que Robbie est obligé de rester criminel, c’est plus les autres criminels que le reste de la société. D’ailleurs, par le biais d’Henri, on a même l’impression qu’au contraire, on lui fournit autant d’aide que possible.
                De ce fait, je ne sais que penser de cette fin. Parce qu’autant au début j’étais content de voir Robbie pouvoir emmener sa copine et son fils vers une vie meilleure et je me sentais parfaitement satisfait avec cette Happy End tout à fait entendu mais non moins agréable.
Mais après coup je me suis retrouvé à penser qu’en fait, les délinquants se tirent tellement la bourre entre eux, que la seule porte de sortie qu’il leur reste, c’est la magouille. Donc un criminel ne peut foncièrement que rester un criminel, même en essayant de changer. Et d’un seul coup, mon Happy End dont j’étais très content a volé en éclat pour devenir une prise de conscience assez froide sur les conditions de vie de certains délinquants ou anciens délinquants. J’avais d’un coup la désagréable impression qu’on m’avait forcé à réfléchir sans me demander mon avis, et totalement à l’insu de mon plein gré par-dessus le marché.  
Je suis ressorti du visionnage du film avec l’impression d’un message beaucoup plus subtil, beaucoup moins tape à l’œil – mais d’autant plus percutant – quand on le compare avec Moi Daniel Blake, qui exposait vraiment une situation problématique en nous la livrant de façon très brute, très abrupte, mais donc plus émotionnelle, plus épidermique. Ici, j’ai plus senti une réaction réflexive, une déduction guidée doucement vers sa conclusion à lui. Ce très cher Ken est bien pernicieux !
                Mais j’interprète peut être un peu trop là-dessus. Je ne saurais que vous conseiller de regarder le film pour vous faire votre propre idée, et éventuellement de venir donner votre avis en commentaire !